Des « dropshippers » français échappent à la TVA grâce à une faille dans la loi


Arnaques, délais de livraison interminables, services clients défectueux, produits de mauvaise qualité… Les critiques pleuvent sur les sites de « dropshipping », ces boutiques en ligne qui vendent, sans l’afficher clairement, des marchandises expédiées directement par des grossistes chinois. A ce sombre tableau vient s’ajouter une autre réalité peu reluisante : certains « dropshippers » français arrivent à échapper à la TVA en toute légalité, en profitant d’une faille dans la loi, comme l’a découvert Le Monde.

La règle semble pourtant claire : depuis le 1er juillet 2021, une directive européenne impose à tous les e-commerçants de s’acquitter de la TVA de 20 % sur leurs ventes. Un nouveau cadre censé mettre de l’ordre dans la « jungle » de l’e-commerce, où les fraudes étaient légion en raison du statut ambigu des plates-formes intermédiaires comme Amazon et Aliexpress.

Qu’est-ce que le « dropshipping » ?

C’est un modèle de vente en ligne sans stock. Là où une boutique commande des marchandises à un fournisseur pour ensuite les vendre à un client, le « dropshipper » attend d’effectuer une vente avant de passer commande à son fournisseur, et fait livrer les produits directement au client. Nécessitant peu d’investissements, ce modèle attire de nombreux e-commerçants, parfois amateurs, qui réalisent des marges importantes en vendant sur leur site des produits en réalité commandés à des grossistes chinois comme Aliexpress.

Mais un secret de Polichinelle circule depuis plusieurs mois dans le monde des « dropshippers » : un comptable astucieux aurait trouvé comment échapper à la TVA… avec la bénédiction des autorités fiscales. Taxes réduites, profits gonflés, prix attractifs, sécurité juridique : voilà de quoi susciter l’intérêt de ces vendeurs en ligne sans stock, qui peinent à surnager dans un univers ultraconcurrentiel.

« C’est parfaitement légal »

Le comptable en question, Amine Tber, est une figure connue du petit monde du « dropshipping ». Avec l’aide d’une agence d’influence, il s’est payé en début d’année une série de publireportages dans plusieurs médias prestigieux, du Figaro à BFM-TV, pour présenter son cabinet Excilio comme le « leader français » de l’expertise comptable en e-commerce. Vêtu d’un costume noir impeccable, il fait également la tournée des influenceurs et des formations en ligne pour faire la promotion de sa solution miracle. « Est-ce qu’il existe des moyens de ne pas payer la TVA ? En “dropshipping”, oui, si on fait bien les choses », assène-t-il d’un ton professoral lors d’une intervention dans la formation du « dropshipper » star Yomi Denzel. Une seule condition : débourser quelques milliers d’euros pour s’offrir ses services et ceux de l’avocate fiscaliste Marie-Anne Tchoudjem, qui s’occupe des aspects juridiques.

« C’est parfaitement légal, il n’y a pas de doute », assure au Monde Amine Tber, qui met en avant son « doctorat en “dropshipping” » et les « deux ans de recherche » qui lui auraient permis de trouver cette « faille fiscale, ou peu importe comment vous voulez l’appeler ». « Il y a des avocats qui comprennent des choses qui ne sont pas écrites noir sur blanc dans la loi… », lâche le comptable. Son argument est le suivant : le texte européen qui définit les intermédiaires commerciaux soumis à la TVA cible les sites mettant en contact un acheteur français et un fournisseur chinois. Or, à ses yeux, le « dropshipper » ne rentre pas dans cette définition, puisqu’il se contente d’ordonner au fournisseur de livrer un bien à l’acheteur, sans jamais les mettre en contact directement.

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